Le président des commerçants et artisans de Monaco : "Personne n'a mis la clef sous la porte en Principauté"

Thibaut Parat - 22/07/2021

L’Union des commerçants et artisans de Monaco a un nouveau président. Le 15 juin dernier, après huit années de services, Nicolas Matile-Narmino a transmis le flambeau à Alexandre Pasta (*).
Natif de la Principauté et adhérent de l’UCAM depuis 1991, le commerçant tient deux sociétés, l’une de souvenirs à deux pas du Palais princier, l’autre d’import-export au cœur du quartier de la Condamine.
L’homme, au tempérament optimiste et bouillonnant d’idées, prend la tête dans un contexte épineux de crise sanitaire avec un objectif précis en tête : participer à la relance du commerce monégasque.

Votre début de présidence est-il accaparé par la crise sanitaire ?

Malheureusement oui. On est toujours en plein dedans. Depuis plus d’un mois, c’est presque quatre réunions chaque semaine avec le gouvernement princier, la mairie et le Conseil national.
On discute avec eux de ce qui a été décidé, de ce qu’on voudrait ou non. Des réunions ont déjà lieu pour préparer l’après Covid, l’avenir que l’on va devoir dessiner rapidement. A Monaco, il y a eu des remises en question, des prises de conscience.

Après un état des lieux du commerce monégasque, quel est l’état des troupes ?

Pendant le confinement, ce fut une catastrophe. Une enclume sur la tête. Pour tous, aussi bien les commerçants du Rocher, que ceux du boulevard des Moulins ou des petites rues du pays. La situation était dramatique au niveau financier et humain.
Désormais, l’espoir est là même s’il existe des soubresauts inquiétants. Il va falloir de nouveau remplir les trésoreries.
Tout le monde attend une reprise le plus rapidement possible.

"Personne n'a mis la clef sous la porte"

Est-ce que des commerçants ont mis la clef sous la porte ?

À ma connaissance, non. C’est bon signe. Il faut remercier le gouvernement qui a tout de suite épaulé les commerçants avec ses aides financières et techniques. Ces amortisseurs ont permis de passer ce cap d’arrêt complet.
Mais l’État ne pourra pas aider indéfiniment. Lorsque les aides seront supprimées, n’y a-t-il pas un risque que certains baissent le rideau ?
C’est évident qu’il y a un risque. Les commerces ne se sont pas refait une trésorerie suffisante pour passer sereinement la saison hivernale que l’on sait calme. On sera vigilant à ce qu’il se passe. On reste en collaboration avec le gouvernement.
On avance semaine après semaine. Personne ne sait ce qui nous attend.

La clientèle est-elle de retour ?

Celle du tourisme n’est pas encore revenue dans les proportions d’antan. Les Hollandais, Allemands, Italiens, Russes ou encore Anglais – qui consomment dans nos petits commerces – ne peuvent toujours pas se déplacer.
Les locaux et pendulaires, eux, font travailler les commerces de proximité, comme le coiffeur, le pharmacien... Ces gens-là ont eu une adaptation au distanciel, au travail à la maison.

Le télétravail a fait du mal  ?

Il a permis de se rendre compte que tout le monde n’était pas obligé d’aller, tous les jours, à son bureau. Pour un commerçant qui doit ouvrir son magasin, c’est de fait de la clientèle en moins.
Le côté positif du télétravail, et c’est d’ailleurs une volonté princière, c’est qu’il génère moins de mouvements de véhicules. On est en réflexion avec le gouvernement et le Conseil national sur comment adapter ce télétravail, le développer.

"Une volonté de limiter les gros bateaux de croisière"

Quels secteurs géographiques de Monaco sont en difficulté ?

Évidemment, vous pensez à Monaco-Ville. C’est une réalité. Ce fut le premier endroit bloqué par la pandémie. Mais la rue Princesse Caroline, le boulevard des Moulins, la place du Casino ou encore la galerie du Métropole ont aussi été impactés. Peut-être moins, certes.
Le prince est venu soutenir à plusieurs reprises les commerçants du Rocher.

Gros coup dur pour eux : le gouvernement a interdit pour la seconde année consécutive les bateaux de croisières à Monaco.

Le gouvernement prend des mesures en phase avec la réalité. Il y a une volonté de limiter ces mastodontes. A Venise, par exemple, ceux-ci ne sont plus les bienvenus. On n’a plus envie de voir leurs cheminées cracher de la fumée noire au large de Monaco.
Il faut discuter avec les croisiéristes, que leurs bateaux deviennent propres. Pour nous, c’est un apport de clientèle indiscutable.
La transition ne sera pas simple. S’ils ne viennent pas à Monaco, ils iront à Villefranche, Nice ou Marseille. Comme Monaco est une zone attractive qui fait toujours rêver, les touristes devront faire de la route. Est-ce qu’on inventera de nouveaux systèmes pour les faire venir ? On parle d’un métro urbain, c’est une bonne idée.

Quelles sont les pistes pour relancer le commerce ?

Que du monde revienne, déjà. Il faut que certains commerçants se remettent en question, adaptent leur offre à une clientèle plus qualitative car, dans l’immédiat, on sait qu’il y aura moins de masse. Il faut se diriger vers cela, plutôt que de toujours baisser les prix.
Il faut aussi encourager les grandes enseignes à s’installer à Monaco. On a vu le succès de Zara, de Nike.Le rêve serait d’en installer une dans le bâtiment de l’Office de tourisme pour une continuité commerciale entre le boulevard des Moulins et le One Monte Carlo.

"Un spectacle sons et lumières à monaco-ville, ce serait fantastique"

D’autres rêves comme celui-ci ?

Pourquoi pas imaginer une promenade maritime entre le Larvotto et Fontvieille, en contournant le Rocher. C’est faisable techniquement. On a bien construit une extension en mer. Humainement, ce serait fantastique et attractif.
Le téléphérique entre le Jardin exotique, la Condamine et la place du Palais est aussi une idée extraordinaire. Tout comme l’ascenseur qui relierait la place du marché à Monaco-Ville.

Et à plus court terme ?

Il faut relancer les salons, congrès, manifestations et événements.
On avait, par exemple, les feux d’artifice. Le gouvernement travaille sur une journée vélo, en partenariat avec les commerces. Un spectacle de sons et lumières à Monaco-Ville serait fantastique avec l’histoire de nos princes projetée sur le Palais princier. Il faut relancer la machine, imaginer d’autres choses. On va s’en sortir !

Le virage numérique est-il indispensable pour tirer son épingle du jeu ?

Frédéric Genta [délégué interministériel chargé de la transition numérique] a fait un gros travail dessus. Aujourd’hui, les commerçants peuvent aller sûr, pratiquement, toutes les plateformes de vente en ligne.
Ce qui permet de développer les vente, de rentrer de la TVA.
Le gouvernement a fait des efforts avec le Fond bleu pour que les commerçants amorcent une transition en changeant leur système informatique, en créant des sites internet. Tout cela est positif. C’est indispensable et même obligatoire. Cela fait partie de l’avenir. Vivre sans, c’est revenir en arrière.

* Ce devait être Clément Ferry, pharmacien, mais l’Ordre des Pharmaciens de Monaco s’y est opposé.

https://www.monacomatin.mc/vie-locale/le-president-des-commercants-et-artisans-de-monaco-personne-na-mis-la-clef-sous-la-porte-en-principaute-703602