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Philippe Ortelli : « Créer cette caisse, et ne plus risquer de subir les dégradations du système français, était indispensable »

MBN/ Pourquoi la création d’une caisse de retraite complémentaire monégasque est-elle nécessaire ?

Philippe Ortelli : Le système de retraite français a évolué ces dernières années dans une direction qui n’est plus conciliable avec celle prise par Monaco, ce qui a rendu nécessaire la création d’une caisse autonome. Adossée à la CAR, qui gère la retraite de base des salariés de Monaco, à compter du 1er janvier 2024, la Caisse de Retraite Complémentaire Monégasque assurera la gestion des nouvelles pensions de retraite complémentaire qui étaient jusqu’ici gérées par les organismes paritaires français Agirc-Arrco. Les études actuarielles réalisées depuis 2013 ont attesté que ce régime sera non seulement viable, mais aussi excédentaire. Il permettra donc aux salariés cadres et non cadres, pour la partie de leur carrière effectuée à Monaco, de percevoir une pension de retraite complémentaire plus avantageuse, avec un taux de rendement plancher de 6%. Par ailleurs, les cotisations des salariés et des employeurs pourraient baisser au bout de 10 ans. Les retraités qui ont soldé leur pension avant la création de la caisse monégasque continueront à la percevoir de la part des organismes français. La caisse monégasque leur versera cependant une bonification pour prendre en compte la valeur du point qui est plus élevée à Monaco.

MBN/ Pourquoi la mise en place de cette caisse a-t-elle demandé autant de temps ?

P.O. : Concrètement, la création de cette caisse exige d’abord la reconstitution de l’ensemble des carrières concernées et la mise en œuvre d’un système informatique apte à percevoir les cotisations et verser les pensions. Ce travail a demandé beaucoup de temps aux caisses sociales monégasques, d’autant qu’aucune distinction n’était faite entre les carrières monégasques avant 2000, et en 2003 tous les fichiers de carrières des retraités ont été écrasés pour ne conserver que les points acquis, ce qui était pertinent à l’époque. Une autre difficulté est que les entreprises pouvaient choisir entre 3 taux de cotisation (6 %, 9 %, 12 %) et que la CAR ne connaît que les salaires plafonnés. Nous aurions bien sûr préféré que ces opérations se fassent plus rapidement, surtout parce que Monaco a ‘rapporté’ plus d’un milliard aux régimes français depuis 2013, somme qui aurait pu venir abonder le fonds de réserve de la caisse monégasque. De même, la demande par l’Agirc-Arrco de garantie de l'État monégasque pour les remboursements en 12 ans au lieu de 40 ans des pensions qui resteront à verser par les organismes français ne me paraît pas opportune dans le contexte actuel, et même excessive...

MBN/ Quels sont les enjeux de la création de cette caisse ?

P.O. : Comme je le disais, les salariés et les retraités vont bénéficier d’un meilleur système de retraite complémentaire. De plus, en créant cette caisse, sur laquelle nous aurons une plus grande maîtrise, nous devenons maîtres de notre destin. Créer cette caisse, et ne plus risquer de subir les dégradations du système français, était indispensable. Toutefois, de grands enjeux attendent notre Principauté dans les prochains mois. Les besoins en matière d’attractivité des entreprises, des investisseurs, et des salariés, les effets de la guerre en Ukraine, l’inflation, le poids croissant des normes et de la conformité, le développement exponentiel de l’IA générative, peuvent peser sur notre développement économique... Le monde d’aujourd’hui n’est pas celui de 2013 ! Les incertitudes sont plus criantes, et cela n’est jamais favorable au développement économique. C’est dans le dialogue et la concertation entre le secteur privé et les pouvoirs publics que nous devons faire face et nous adapter pour faire perdurer notre système face à toutes ces contingences.

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Photo : Philippe Ortelli par ©Iulian Giurca / Caroli Com