Transports et logements : l’heure des choix courageux
Pour une fois, cet éditorial n’a rien de traditionnel. Le sujet que nous portons aujourd’hui est crucial pour l’avenir économique de notre pays : il s’agit de la capacité de nos salariés, de nos clients et de nos fournisseurs à accéder à Monaco dans de bonnes conditions, ainsi que du logement de nos actifs à proximité. Ces deux sujets sont les premiers freins à notre développement économique et de notre réelle attractivité. Les témoignages réunis ici reflètent le désarroi de nombreux entrepreneurs, et la difficulté croissante à attirer des talents dans un territoire où le quotidien peut virer au parcours du combattant.
Entendre, dans les hautes sphères gouvernementales, l’affirmation que seule la circulation dans les 2 km² du territoire monégasque est préoccupante, sans égard pour ce qui se passe à nos frontières immédiates, nous a profondément interpellés. Sans remettre en cause leur engagement, nous appelons à davantage d’écoute et de respect pour ceux qui, chaque jour, consacrent parfois plus de deux heures à leurs trajets, pour venir créer de la valeur et de la TVA – qui contribue largement au financement des services publics, de leurs salaires et de leurs retraites futures…
Nos salariés ne sont pas corvéables à merci. Ils méritent de meilleures conditions de déplacement. Il suffit d’expérimenter un train entre Monaco et Nice à 17h30, ou de prendre sa voiture entre 6h30 et 9h30, pour comprendre leur réalité : trains bondés ou annulés, axes routiers saturés. Ce n’est pas avec les 1 000 places du parking des Salines ni les éventuelles 3 500 places de la Brasca que nous résoudrons durablement la situation. Ces solutions ne sont pas acceptables au quotidien pour nos salariés, car la rupture de charge et le changement de mode de transport rallongent encore le temps de trajet ! Cela peut être intéressant seulement pour les visiteurs ponctuels.
Chaque jour, 50 000 personnes entrent et sortent de Monaco. Et demain, avec la croissance économique nécessaire à l’équilibre budgétaire de l’État et des caisses sociales, ce nombre augmentera encore. Il n’y a donc pas d’alternative : nos collaborateurs et nos clients doivent pouvoir accéder au cœur de Monaco facilement. C’est pourquoi il est temps de penser le futur. Nous proposons de lancer une grande étude transfrontalière sur la faisabilité d’un métro électrique moderne et fiable entre l’aéroport de Nice et Vintimille. Le projet, estimé à 4 milliards d’euros par des groupes de travaux publics, serait amorti sur un siècle – comme tous les grands projets d’infrastructure de ce type dans le monde. Le billet coûterait bien plus d’un euro, mais moins que les frais quotidiens de carburant, de péage et de stationnement. Nice-Est serait accessible en 11 minutes, l’aéroport en 23 minutes. Cela changerait tout !
Concernant le logement, le dernier rapport de l’IMSEE est sans appel : les possibilités d’hébergement pour nos actifs stagnent. Dans les communes voisines, entre le rejet des nouveaux projets immobiliers et la multiplication des locations Airbnb qui ont enlevé des centaines de logements, les salariés doivent s’éloigner toujours plus. La loi de l’offre et de la demande joue à plein : à Beausoleil, les prix au mètre carré ont été multipliés par 5 en 25 ans. Il est temps de s’interroger : à qui profite cette situation ?
En matière de logement social, le décalage est criant. Alors qu’en France, 70 % des salariés peuvent prétendre à un HLM, ils ne sont que 7 % environ parmi nos salariés grâce à de meilleurs salaires, aux 39h, et au 5% monégasque ! Les plafonds de revenus appliqués sont identiques à ceux de départements ruraux, sans tenir compte de la réalité économique locale.
Face à ces constats, notre responsabilité collective est d’agir. Ce n’est pas faire preuve de radicalité que de proposer des solutions concrètes, réalistes et cohérentes. Voici la nôtre : un métro structurant avec des arrêts clés à l’Allianz Riviera, Nice Nord, Pasteur, Monaco (Fontvieille, Sainte-Dévote, Monte-Carlo, Saint-Roman), Carnolès et Vintimille.
Il est temps de regarder plus loin que nos frontières, de penser les 100 prochaines années, et de redonner à ceux qui font vivre l’économie de notre pays des conditions dignes de transport et de logement. Acteurs publics et privés, construisons ensemble notre avenir qui nous unira tous autour du Souverain dans un projet structurant.
Philippe Ortelli
Président