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La science c’est ce qui vous apprend que sauter du 15e étage sans parachute sur du goudron risque très fortement d’être mortel, la politique c’est choisir de sauter ou pas.

Votre choix

Vous êtes au 15e étage d’une tour et vous penchez pour observer la route goudronnée, une cinquantaine de mètres en contrebas. Vous n’avez ni parachute, ni aucun autre moyen de protection. Vos connaissances en physique et en médecine vous assurent qu’en cas de chute, le choc avec le sol suffirait à vous tuer. Devez-vous sauter ? La réponse est évidente : ce serait un suicide donc, sauf si c’est votre objectif, vous avez intérêt à ne pas sauter.

Cette histoire est simpliste mais nous permet de distinguer trois points essentiels.

Le premier est que le savoir scientifique est indépendant de la décision. Ici, l’information scientifique (le choc sera mortel) peut vous inciter à agir dans un sens ou dans l’autre, selon votre objectif. C’est un point essentiel : la science ne dicte pas le choix à faire, un choix n’est jamais scientifique.

Le second est que prendre en compte, ou pas, les connaissances scientifiques pour décider d’un choix est aussi un choix politique. Vous pouvez décider de ne pas croire du tout la science médicale, même croire que vous allez vous envoler comme un oiseau, et choisir de ne pas sauter.

Le troisième point est que vous pouvez fonder votre décision sur un enseignement scientifique sans avoir besoin de le comprendre. Vous pouvez n’avoir aucune connaissance médicale, ne rien connaître de l’anatomie humaine non plus que des questions de gravité, et malgré tout baser votre choix sur l’information “le saut serait mortel”. Ce dernier point signifie précisément que ce n’est pas parce qu’on ne sait pas tout qu’on ne sait rien.

Les choix économiques

L’image que nous avons utilisée est individuelle, mais ce qu’elle nous montre est tout aussi valide pour les questions économiques.

Dans ce contexte aussi nous avons l’information scientifique. Nous savons quels sont les critères les plus déterminants pour augmenter la richesse d’un pays, et en cascade de nombreux critères généralement jugés comme positifs (la satisfaction de vie, la durée de vie en bonne santé, etc.) : le niveau de capital cognitif1 et le degré de liberté économique.

Donc, selon leurs objectifs2 les personnes au pouvoir pourront choisir d’accroître, ou au contraire de restreindre, la richesse des pays dont ils ont la charge. Certes, modifier le capital cognitif prend du temps, mais nous savons comment augmenter la liberté avec des effets positifs extrêmement rapides.

Elles pourront aussi choisir de ne pas tenir compte de ces connaissances et naviguer à l’aveuglette.

Enfin, le fait que tous les détails et toutes les contraintes ne soient pas connus, qu’il reste une forte part d’incertitude (beaucoup plus grande en économie qu’en sciences physiques), ne remet pas en question l’importance du choix de s’appuyer, ou pas, sur les connaissances acquises.

Nous retrouvons bien les trois niveaux de notre petite histoire.

Les choix politiques

Nous voyons donc bien qu’un gouvernement ne peut pas faire des "choix scientifiques" ou "imposés par la science", et qu’il ne peut exister de gouvernement “technique”, qui ne ferait qu’“expédier les affaires courantes” et serait "apolitique". Dès lors qu’il y a choix on est dans le politique, la science indique juste les conséquences probables des choix.

Mais cela implique surtout que nous devons toujours vérifier qu’un choix politique s’appuie bien sur des connaissances scientifiques, et s’assurer de son objectif réel.

Philippe Gouillou

Image : Grok 2 (X)

Notes